Aujourd’hui, Paris compte près de 2000 ruches sur ses toits. Soit plus de 120 millions d’abeilles prêtes à polliniser les arbres et les fleurs de la capitale pour nous donner des fruits, des légumes et du bon miel. Super nouvelle ! Et pourtant, il y a un problème... Paris compte-t-elle assez de fleurs pour nourrir toutes ces abeilles ?C’est une question qui fait débat dans le milieu de l’apiculture urbaine et parmi les spécialistes de la biodiversité. L’abeille, sentinelle de l’environnement est souvent le symbole des pouvoirs politiques pour tous les sujets de biodiversité. Comme en témoigne le plan « Ruches et pollinisateurs » lancé par la Mairie de Paris qui prévoit d’installer des ruches supplémentaires dans les espaces partagés et sur les espaces du patrimoine public. Mais avec déjà plus ou moins de 2000 ruches sur ses toits, Paris et les villes en générale sont-elles encore des espaces d’accueil intéressants pour les pollinisateurs ? Les avantages de la ville ! Il est couramment admis que les villes offrent plusieurs avantages notables par rapport aux campagnes cultivées. Premièrement, on ne trouve pas ou très peu de pesticides en ville. Lancée en 2007, la politique du « zéro phyto » de la Mairie de Paris interdit l’usage de produit phytosanitaire dans les espaces verts gérés par la ville. Depuis le 1er janvier 2019, la réglementation s’étend aux particuliers avec l'interdiction d’acheter, utiliser et stocker des pesticides avec le plan zéro pesticides ! Lorsque l’on sait que les pesticides sont en grande partie responsable de la mortalité des colonies d’abeilles en campagne, c’est une très bonne nouvelle pour les abeilles parisiennes ! Deuxièmement, on trouve une variété de fleurs et d’espèces végétales en ville plus importante qu’en zone rurale. Ainsi les abeilles peuvent trouver de la nourriture tout au long de la saison en suivant les floraisons des différentes espèces. On commence avec les cerisiers au début mois de mars et on termine avec le sophora du Japon, très présent à Paris et fleuri jusqu’en septembre. Et finalement, il fait un peu plus chaud en ville : 1 ou 2 degrés de plus. Cette conséquence de l’activité intense qui règne dans nos villes permet aux colonies d’abeilles de moins souffrir de la dureté de l’hiver et donc de butiner plus longtemps. En additionnant tous ces éléments, on se rend compte que la ville est donc un environnement qui convient bien aux abeilles. Aussi, on observe que la mortalité des abeilles urbaines est 4x inférieure à leur homologue rurale (le taux de mortalité en campagne variant entre 30 et 40% contre 5 et 10% en ville). Néanmoins, une étude réalisée par des chercheurs de l’équipe « Abeilles et environnement » de l’INRA à Lyon dans le cadre du programme européen « Urban Bees » montre que ce sont dans les zones périurbaines que les pollinisateurs sont les plus présents. Cette équipe de chercheurs a calculé le long d’un gradient d’urbanisation au sein du Grand Lyon, le nombre d’espèces différentes d’abeilles capturées. Les résultats montrent que ce nombre atteint un maximum lorsque le ratio entre les surfaces construites et les surfaces perméables (espaces verts, etc.) est de 50%. Ce qui correspond aux zones périurbaines. On est alors en droit de se poser la question si dans un environnement comme Paris où le ratio surfaces construites/perméables et bien inférieur à 1%, est-il toujours raisonnable d’installer des ruches sans agir concrètement pour développer les zones perméables qui nous entourent ? Les ressources sont-elle suffisantes ? On le sait désormais, Paris compte aujourd’hui pas moins de 2000 ruches sur ses toits. On en trouve un peu partout : sur des bâtiments historiques comme l’Opéra Garnier, les Invalides ou encore sur la Cathédrale Notre-Dame de Paris, sur les toits des entreprises ou dans des espaces verts (parcs, bois et jardins). Ce nombre grandit chaque année et pourtant le nombre d’espaces verts, d’arbres, de plantes et de fleurs mellifères lui n’augmente que très peu. Quand on sait qu’une abeille peut butiner jusqu’à 500 fleurs par jour et qu’en été chaque ruche abrite plus de 60 000 abeilles, on se demande si installer des ruches à Paris est encore une bonne idée ? Le travail de Léa Lugassy dans sa thèse soutenue en septembre 2016 montre que les années 2013 et 2014 ont marqué la différence entre la ville et la campagne : +20 ou +30% de production de miel, et une mortalité 2x moins importante ! Mais en 2015, cette tendance s’est brusquement inversée avec une production de miel en ville bien inférieure qu’en campagne. En 2016 et 2017, cette tendance s’est confirmée et généralisée avec un effondrement général de la production de miel. Selon Léa Lugassy, «il y a un seuil de densité, peut-être déjà atteint à Paris, où les abeilles vont moins produire» en raison de ressources florales ayant atteint leurs limites, comme en témoigne cet article. Elle précise même dans son travail de thèse que : «nous avons trouvé des interactions significatives qui montrent que l’effet positif des villes sur la production de miel tend à décroitre au fil des années». Ce travail de thèse a été mené avec le soutien de Natureparif, dans le cadre de l’Observatoire Francilien des Abeilles et a permis d’étudier pendant 4 ans plus de 800 ruchers situés dans toute l'Île-de-France. Bernard Vaissière, chercheur dans l’équipe Abeilles et environnement d’Avignon qui témoigne dans cet article considère la possibilité qu’il y ait déjà trop de ruches à Paris comme «tout à fait plausible». Dans certaines villes, ce phénomène est déjà bien présent comme par exemple à Londres dont le nombre de ruches est passé de 1677 en 2008 à 3745 en 2013 passant la densité de ruches à 10 ruches / km2. (Ou encore à Montréal et à Berlin comme l'explique Isabelle Craig dans sa rubrique "Les ruches en ville, un écosystème".) Dans cet article publié en août 2013 dans la revue The Biologist, deux chercheurs de l’université du Sussex montrent une forte baisse de la production de miel des abeilles urbaines et font le lien direct avec la multiplication (trop) rapide du nombre de ruches. A titre de comparaison, la densité de ruches par km2 est de 19 à Paris (2000 ruches pour 105km2)… Alors, quelles sont les solutions ?La bonne nouvelle c’est que les solutions existent et sont nombreuses. Nous pouvons tous agir à notre échelle pour la protection de l’abeille et le développement de la biodiversité. Nous avons listé ici quelques actions que chacun d’entre nous peut réaliser pour faire la différence et avoir un impact réel si réalisées collectivement :
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