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Trop de ruches à Paris… et maintenant on fait quoi ?

La confusion règne… pour venir en aide aux abeilles de plus en plus touchées par l’activité humaine (pesticides, réchauffement climatique…), on a vu se multiplier le nombre de ruches sur les toits de Paris et des grandes villes françaises. Or, voilà qu’un cri s’élève pressant les citadins d’ ”Arrêter de mettre des ruches partout” au nom de la sauvegarde de la biodiversité. 

 

En l’espace de 5 ans à peine, on nous prie d’une chose et de son contraire. Mais surtout, les affirmations et idées reçues sur l’apiculture urbaine se multiplient, les vraies comme les fausses ! Alors comment s’y retrouver ?  

C’est ce que nous avons voulu éclaircir dans cet article… Pour mieux comprendre la situation et surtout donner des clés pour agir vraiment en faveur de la biodiversité et des pollinisateurs, quelque soit leur espèce. 

Dès lors, faut-il faire marche arrière ?

A la question “Ne faut-il plus d’abeilles en ville ?”,
​nous répondons : NON !


​Petit tour d’horizon de la situation. 

 

Souvenons-nous avant toute chose que la mortalité des abeilles ne cesse d’augmenter au fil des années : « les mortalités d’abeilles se sont largement aggravées depuis une vingtaine d’années. On est passé d’un taux de mortalité qui était de l’ordre de 5% par an à 30% en moyenne » déclarait Henri Clément secrétaire général de l’union nationale des apiculteurs de France, en octobre 2016 (source RTL). Et plus récemment, une étude menée par le ministère de l’Agriculture et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur la mortalité hivernale des abeilles, annonçait que « le taux moyen de mortalité des colonies durant l’hiver 2017-2018 (…) peut être estimé à 29,4 %. ». Un chiffre inquiétant quand on sait que 75 % de la production mondiale de nourriture dépend des insectes pollinisateurs.

Mais la bonne nouvelle dans tout ça, c’est qu’on observe que la mortalité des abeilles urbaines est 4x inférieure à leur homologue rurale. En effet, cette mortalité de 30% et 40% à la campagne contre 3% et 4% en ville (source Apiculture.net), pourrait être liée à la moindre présence des pesticides, qui peuvent favoriser la santé et la dynamique des colonies, leur permettant de butiner plus, et de mieux survivre pendant l’hiver, comme le cite Léa Lugassy dans sa thèse soutenue en septembre 2016.

Le développement des ruchers en ville n’est donc ni une mode ni un engouement mais un acte de survie pour l’apiculture.

“La ville est un environnement qui convient bien aux abeilles domestiques” = VRAI


Premier avantage :

 

  • on ne trouve pas ou très peu de pesticides en ville. A Paris notamment, grâce à la politique du « zéro phyto » lancée en 2007 par la Mairie, il est interdit d’utiliser tous produits phytosanitaires dans les espaces verts gérés par la ville. Et depuis le 1er janvier 2019, la réglementation s’étend aux particuliers avec l’interdiction d’acheter, d’utiliser et de stocker des pesticides avec le plan zéro pesticide. Quand on sait que les pesticides sont en grande partie responsables de la mortalité des colonies d’abeilles en campagne cultivée, c’est une très bonne nouvelle pour les abeilles et pollinisateurs parisiens !

Deuxième avantage : 

  • on trouve en zones urbaines et périurbaines une diversité de fleurs qui proposent une floraison étalée sur presque toute l’année. Ainsi les abeilles peuvent trouver de la nourriture tout au long de la saison en suivant les floraisons des différentes espèces. On commence avec les cerisiers au début mois de mars et on termine avec le sophora du Japon, très présent à Paris et fleuri jusqu’en septembre. 

Et troisième avantage : 

  • on compte 1 ou 2 degrés de plus en ville, ce qui permet aux colonies d’abeilles de moins souffrir de la dureté de l’hiver et donc de butiner plus longtemps, car les fleurs vivent sur une plus longue période.​

 
En additionnant tous ces éléments, on se rend compte que la ville est un environnement qui convient bien aux abeilles domestiques. 
Et pourtant, on ne peut pas affirmer que la ville est le nouveau paradis des abeilles. Elles doivent également faire face à d’autres difficultés, la première étant de trouver suffisamment de nourriture !

“Paris compte-elle suffisamment de ressources pour accueillir toutes les ruches ?”
La réponse est : NON !


Depuis une dizaine d’année, les ruches ont poussé dans tous les coins de la capitale. Paris compte aujourd’hui officiellement 1500 ruches sur ses toits, officieusement on tendrait même vers les 2000 ruches. On en trouve un peu partout : sur des bâtiments historiques comme l’Opéra Garnier, les Invalides, le Jardin du Luxembourg, dans des espaces verts (parcs, bois et jardins) et de plus en plus sur les toits des entreprises.

“Il n’y a clairement pas assez de nourriture pour toutes les abeilles”  = VRAI


​Ce nombre grandit chaque année mais le nombre d’espaces verts, d’arbres, de plantes et de fleurs mellifères lui n’augmente que très peu. Or une abeille peut butiner de 500 à 2000 fleurs par jour et en été chaque ruche abrite plus de 60 000 abeilles. 
Il n’y a donc clairement pas assez de nourriture pour toutes les abeilles. On est donc en droit de se demander si “installer plus des ruches à Paris est encore une bonne idée…

 

​Certains quartiers de grandes villes comme Londres et Paris sont surchargées. 
Dans certaines villes, ce phénomène est déjà bien présent comme par exemple à Londres dont le nombre de ruches est passé de 1677 en 2008 à 3745 en 2013 passant la densité de ruches à 10 ruches / km2. (Ou encore à Montréal et à Berlin comme l’explique Isabelle Craig dans sa rubrique “Les ruches en ville, un écosystème”). A titre de comparaison, la densité de ruches par km2 est de 19 à Paris (2000 ruches pour 105km2)…


Cette disette florale met en lumière un autre problème : d’autres espèces sont également menacées.
Car oui, l’abeille domestique est loin d’être le seul insecte à avoir besoin de fleurs pour se nourrir. Apis mellifera, l’abeille domestique des apiculteurs est l’espèce la plus répandue et la plus connue. Pourtant, on recense près de 1 000 espèces d’abeilles différentes en France. Soit plus que le nombre de mammifères, oiseaux et reptiles réunis !

 

Bernard Vaissière, chercheur à l’INRA Avignon à l’unité Abeilles et Environnement nous averti sur l’hécatombe concernant autant les abeilles sauvages que les abeilles domestiques et considère la possibilité qu’il y ait déjà trop de ruches à Paris comme tout à fait plausible. Il reste cependant prudent quant au manque de recul et d’informations chiffrées sur la situation. Bernard Vaissière assure cependant que “ce n’est pas en mettant des colonies d’abeilles domestiques partout qu’on va sauver la biodiversité.” .

“L’abeille domestique est loin d’être le seul insecte à avoir besoin de fleurs pour se nourrir“ = VRAI


L’activité de ces pollinisateurs sauvages serait négativement impactée par l’implantation trop importante des colonies d’abeilles domestiques en milieu urbain… ! 
Néanmoins, une étude réalisée par des chercheurs de l’équipe « Abeilles et environnement » de l’INRA à Lyon dans le cadre du programme européen « Urban Bees » montre que ce sont dans les zones périurbaines que les pollinisateurs sont les plus présents. Cette équipe de chercheurs a calculé le long d’un gradient d’urbanisation au sein du Grand Lyon, le nombre d’espèces différentes d’abeilles capturées. Les résultats montrent que ce nombre atteint un maximum lorsque le ratio entre les surfaces construites et les surfaces perméables (espaces verts, etc.) est de 50%. Ce qui correspond aux zones périurbaines.

 

Les zones périurbaines comme nouveau paradis des pollinisateurs, affaire à suivre !

“Ce n’est pas en mettant des colonies d’abeilles domestiques partout qu’on va sauver la biodiversité” = VRAI et FAUX


Les apiculteurs et leurs colonies d’abeilles ont littéralement fuient les campagnes gorgées de pesticides pour trouver une solution dans les grandes villes, y compris à Paris. 
Pourtant, il semble que ce phénomène ait atteint ses limites… Effet de mode, greenwashing ou simple “bonne volonté”, au-delà d’un certain seuil, une trop forte densité de ruches nuit à leur développement, y compris à la survie d’autres espèces.

OK et maintenant, on fait quoi ?


On peut donc se demander quelles sont les actions à mener pour protéger à la fois les abeilles domestiques et le développement de la biodiversité ?

“Des solutions existent” = VRAI


Et communiquer sur ces solutions est un de nos principaux challenges chez Happyculteur 😊​ !
Au vu de l’expansion urbaine (1 département tous les 7 ans), protéger l’abeille revient à recréer des habitats naturels en ville. Recréer des écosystèmes pour que la biodiversité animale et végétale puissent s’épanouir.

 

Nous avons listé ici quelques actions pour faire remettre la biodiversité au coeur de la ville et avoir un impact réel :

  1. Planter, planter ! Planter beaucoup de fleurs et de plantes mellifères : on peut contribuer activement à développer les espaces d’accueil pour les abeilles et les pollinisateurs en plantant des fleurs et des plantes mellifères.
    Pour ce faire, on peut se rendre chez un pépiniériste ou planter directement nos fleurs et plantes. Mais attention aux graines que l’on achète ! On conseille de se fournir dans des boutiques spécialisées pour s’assurer d’acheter des graines non modifiées : AgroSemens, La Ferme de Saint Marthe, Biaugerme, Graines del pais, Kokopelli… Et pour les malheureux qui n’auraient ni jardin, ni balcon, les villes vous proposent d’autres solutions :

     

    1. Obtenir un permis de végétaliser
    2. Rejoindre un jardin partagé 
    3. Contribuer à des chantiers de végétalisation, comme (par ici !!!!)
    4. Aménager une friche urbaine
  2. Inviter la petite faune ! (une idée de La Mairie de Montigny) “Une friche, une prairie fleurie, quelques arbres, arbustes ou végétaux avec des fleurs et des fruits représentent un jardin agréable et intéressant pour la petite faune (insectes, oiseaux, petits rongeurs). Ces gestes peuvent être complétés par la mise en place de nichoirs ou abris pour ces animaux. Plus un jardin ressemble à un écosystème naturel et plus il a de capacités à se défendre contre les aléas climatiques et les ravageurs.

     

    1. Bonus : fabriquer votre nichoir à abeilles solitaires avec le tuto de Kaizen
  3. Stopper ! Pesticides, insecticides, engrais ou encore désherbants sont les pires ennemis de la biodiversité. Ils polluent les nappes phréatiques et détruisent la petite faune. Stopper leur utilisation est un geste à fort impact ! Ici on ne parle pas simplement de l’usage des pesticides dans l’agriculture, on parle aussi de nos pratiques domestiques ! En 2014 “84 % des ménages ont utilisé des pesticides domestiques : des insecticides”. Heureusement depuis ce temps, les alternatives bien plus naturelles et moins coûteuses se sont largement développées (lavande, savons noirs, composts, etc…) 
  4. Apprendre et partager ! Car c’est en apprenant que l’on peut agir et que l’on peut transmettre. Et c’est notre mission chez Happyculteur ! Grâce à nos ateliers d’initiation à l’apiculture, nous accompagnons les citoyens à découvrir le métier d’apiculteur et les actions concrètes pour s’engager en faveur de la biodiversité ! 

     

    1. Bonus : pour chaque atelier réservé, nous reversons 50% du prix à nos apiculteurs partenaires, pour les aider à mieux vivre de leur passion. Par la même occasion, vous vivrez une chouette expérience au plus proche de l’abeille, et goûterez du vrai bon miel.
  5. Faire attention à ce que l’on consomme ! Dans sa vie perso, au bureau, au restau et dans son assiette, acheter est un acte citoyen. Comme l’a dit Arnaud Montebourg, fondateur de Bleu Blanc Ruche à la MaddyKeynote de ce début d’année : “Hier, on achetait avec notre carte bancaire, aujourd’hui on vote avec notre carte bancaire”.

     

    1. Par exemple à Paris (comme dans beaucoup d’autres villes), il est très facile de manger de saison et local. De nombreuses initiatives favorisent ces pratiques comme La ruche qui dit oui, les Amaps, les cueillettes, les marchés où l’on peut rencontrer des petits producteurs, etc. 
    2. Idem avec le vrac et le zéro déchet pour votre alimentation, vos cosmétiques ou pour l’entretien de la maison. A ce sujet, vous connaissez les Kiosques Ethiques installés sous le métro Stalingrad ?! Vous y trouverez une myriade de produits en vracs, équitables et zéro déchet : savon, shampooing, lessive, bocaux, thé, café… Rendez-vous au 148 boulevard de la Villette, 75019 Paris.

En bref, il faut considérer que protéger les abeilles ce n’est pas directement agir sur elles. La biodiversité représente l’interconnexion du vivant animal et végétal, donc agir sur un des deux favorise l’autre (logique !!). Développer cette pensée systémique, même si les résultats de nos actions ne sont pas visibles, ouvrent un champs des possibles immense. Dès lors tout ce qui concerne l’agriculture naturelle, la permaculture, la consommation responsable, de saison contribue à la sauvegarde des abeilles et des pollinisateurs. 
Enfin, pensez bien que chaque action menée mise bout à bout contribue à un grand tout qui façonne le monde de demain. 

On commence par calculer votre impact sur l’environnement ? Passez le test par ici !

“Chaque action menée mise bout à bout contribue à un grand tout qui façonne le monde de demain. 
 


Chacune de nos actions comptent alors qu’est-ce qu’on attend ? 🌿🐝✊​